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Le Bombardement...

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Message  Armenn Sam 5 Sep - 11:25

Le Bombardement
ou comment une Paladine en furie démonte une armée de morts-vivants


La nuit s'étend sur Dalaran. Les commerces ferment et le tumulte presque incessant de la ville connaît enfin une courte pause. Les souterrains sont en pleine activité mais les rues se libèrent de leurs passants et prennent quelque repos. Enfin, pas partout. Et surtout pas pour tous. Dans l'auberge des affaires volent, des assiettes se brisent des meubles sont écrasés. Et au milieu une flopée de jurons fusent comme seul un nain sait les faire pleuvoir. Sauf qu'ils sortent d'une bouche féminine, et surtout, humaine. Armenn, l'une des championnes d'argent, tente d'exorciser sa colère à la seule manière qu'elle semble avoir jamais connue: en frappant. Oh elle n'en a pas conscience, encore et toujours amnésique, mais elle reproduit là un schéma déjà bien rôdé du temps des Ailes d'Ysera.


Ce soir la Paladine est dans une furie sans borne. Sans raison semble-t-il, mais la folie en a-t-elle besoin pour percer et se libérer des chaînes de la volonté créées par un esprit aussi humain soit-il? Un ensemble d'évènements, un souvenir qui l'entaille sans se révéler sont autant de possibilités que même un mage du Kirin Tor ne saurait démêler malgré toute la hardiesse de ses enchantements et sortilèges. En attendant la voilà qui brise tout et ne se limite pas au mobilier de sa chambrée. Ce qui, causalement, amène la garde à agir et promptement la jeter hors de l'établissement. Ce qui n'a pour effet que porter plus loin la furie lumineuse mais aucunement éclairée de notre chère amie. A bout, la garde de la ville finit par la forcer à rejoindre l'aire de Krasus, affaire peu aisée et durant laquelle plusieurs d'entre eux y perdirent des dents (ou pis pour les plus malheureux). Là elle fut tout simplement, et très peu protocolairement, jetée par dessus bord. Ses jurons frappèrent les murs des bâtiments longtemps encore durant sa chute. Jusqu'à ce qu'elle doive incanter une bulle de protection pour ne pas finir écrasée au sol comme un vulgaire murloc sous le pied d'un titan. La paladine se remit à jurer jusqu'à devoir stopper par manque de souffle. La rage bouillait toujours en elle mais sans rien sous la main pour la faire passer elle ne pouvait l'évacuer. Ses yeux se levèrent. Quoi de plus évident?

La couronne de glace était une région bénie des dieux pour un être servant la Lumière. Armenn ne servait plus rien ni personne. Elle ne continuait les combats que pour se sentir vivre et en espérant, mais pas trop, retrouver un jour la mémoire. Malgré tout on ne pouvait réfuter son efficacité en tant que Paladine. A elle seule et comme les meilleurs d'entre eux, elle valait une armée dès qu'il s'agissait de tuer une nouvelle fois les morts qui foulaient la vie de leur putridité. Armenn siffla cinq coups brefs en deux intervalles de temps et bientôt un fier griffon neigeux cuirassé vint planer sous la ville magique jusqu'à attérir à ses côtés. Promptement la furie l'enfourcha, ou plutôt sauta sur son dos, et le lança. Accélérés par l'aura de croisé, les deux compères filèrent à toute allure au dessus des terres gelées et désolées jusqu'en un point où pullulaient littéralement les agents du fléau. Armenn dégagea sa masse de sa fixation dorsale et après une tape sur le dos de sa monture sauta en plein vol. Elle était à une dizaine de mètres du sol, et durant le peu de temps qui lui restait avant de toucher le sol elle se mit à hurler tandis que son aura prenait sa forme vindicatrice. Soulevant sa masse et la tenant à bout de bras au dessus de sa tête, arquée et prêtre à frapper, elle chuta tel un missile sur une abomination ventrue. Sa masse s'écrasa, forte de toute sa puissance démultipliée par la vitesse de sa chute, sur le crâne de la fabrication contre nature qui explosa comme une pêche pourrie et rongée par les vers, répandant sur une vingtaine de pas alentours les chairs nécrosées et les os fissurés de la création. La paladine se réceptionna en roulant sur une épaule et se releva tout de go, prête à frapper de nouveau. Chose qui survint rapidement, son apparition guère passée inaperçue ce qui en vérité lui convenait et était même le but de sa manoeuvre.

Goules, nécromants, squelettes et encore bien d'autres se ruèrent sur la chair fraîche qui s'offrait à eux, cadeau somptueux et au parfum envoûtant, pulsant de sang chaud, vif et en pleine santé. Les vers en dégoulinaient de leur bouche ouverte et déjà les doigts ou les os se tendaient vers cette lumière vivante qui jaillissait soudainement au milieu de leur sombre mort. Mais comme les papillons s'approchant d'un feu de bois crépitant au milieu de la nuit, ils se rendirent vite compte que cette lumière-ci était du genre brûlante et salvatrice. La masse libéra sa force démentielle au milieu des ersatz de corps qui entouraient petit à petit Armenn. Elle volait, écrasait, frappait, bloquait tandis que celle qu'on aurait pu prendre pour frêle dansait au milieu du fléau, se contorsionnant pour éviter les coups et morsures qu'on lui portait. Sans demi-temps perdu chacun de ses mouvements la rapprochaient de la mort, une amie intime à qui elle offrait sa vie pour prendre celle de ses assaillants avant de se retirer pour ne pas se faire happer à son tour. Et elle se sentit vivante. Enfin. Alors même qu'elle approchait inexorablement de la mort, elle se sentit pleine de vie, maître de son corps tant que de son esprit, sans aucune limite, sans mur blanc pour la bloquer et la frustrer. Toute entière à son service mortuaire elle se retrouvait avec elle-même, rare moment où elle pouvait oublier sa triste situation et atteindre un état de plénitude que seule une transe pouvait offrir. Et les corps démembrés volaient autour d'elle, chutant en une pluie continue, remplaçant les larmes qu'elle n'arrivait plus à faire couler.

Le Bombardement. On appelait ainsi ce lieu envahi par les armées de non morts. Un lieu hanté par les sous fifres du traître, un lieu de torture, un lieu de déchéance, un lieu enfin où des bataillons entiers crevaient en tentant une percée pour reprendre une part des terres. Et Armenn, furie sanguinaire, avait choisi ce lieu pour y porter sa rage contenue à grande peine depuis des jours. C'était dangereux, irréfléchi, fou! Peut être en avait-elle eu conscience à un moment donné, mais plus maintenant. Ce lieu n'était plus pour elle qu'un ring gigantesque, un mouchoir glacé où elle pouvait libérer le poids de ses sentiments sans autre risque que sa propre vie. Un risque qu'elle manipulait à la perfection, arme vivante surentraînée devenue une plaie faite femme depuis qu'elle avait été retrouvée par le SI7. Amnésique? Elle n'avait plus rien à elle, sinon son statut de paladine qui avait été un temps controversé. Elle n'avait eu que cela à quoi se raccrocher. En un temps record elle avait recouvré une parfaite santé et obtenu des états de service qui l'avaient faite devenir une héroïne des Outre-terres, ce qui allégeait un peu le fait qu'elle y avait été expatriée, considérée comme un furoncle pour la couronne à Hurlevent où presque tous ceux de la haute se retournaient sur son passage comme l'on fait des pestiférés. Personne là-bas ne la supportait, des rumeurs courraient à son sujet, et finalement on n'avait su que la faire partir loin très loin pour qu'elle ne soit plus sujet à mauvaise société à la cour. Mais voilà, cela ne devait pas suffire car en moins de deux mois son nom retentissait à nouveau jusque derrière les créneaux du bastion humain, porté par l'exaltation de ceux comptant ses exploits dans la vallée de Sombrelune. Alors elle avait été à nouveau reflouée, rejetée comme un simple détritus par la marée sur une côté gelée. Norfendre. Une terre de perdus. Une terre de traître. Une terre de mort. Une terre pour elle.

Tout en portant la mort à tour de bras et à coups d'exorcismes, inconsciemment l'esprit d'Armenn travaillait. Des souvenirs s'enclenchaient, sans pourtant qu'elle puisse les percevoir ils étaient secoués par cette situation qui en rappelait une autre, beaucoup plus vieille. Chaque coup porté était une goutte remplissant un vase. Chaque perle d'eau se fondait dans la masse liquide de sa mémoire, secouant les fragments cristallisés de sa vie passée. Pour l'instant encore ils restaient piégés derrière les murailles bâties par son subconscient, mais sa bataille éperdue était un pas de plus vers leur dilution qui finirait par les amener à crever la surface, libérés. En attendant la Championne était un fléau à part entière, remettant en cause le statut de l'armée qu'elle affrontait. La chair s'amoncelait autour d'elle au point qu'elle piétinait à chaque pas maintenant un bras une main ou un oeil. Son armure ruisselait de fluides tous plus pourris les uns que les autres, parfois au point d'entamer la plaque magique qui protégeait son corps. Son bras ne faiblissait pas alors que plus de dix minutes d'intenses combats s'étaient écoulées. Les morts
qu'on disait affluer ici sans fin étaient pourtant moins nombreux désormais à fouler la glace. Même les chaudrons de peste semblaient avoir refroidis et ne plus lancer dans l'air leurs morbides marasmes. Encore quelques minutes et la paladine fut seule âme à se tenir debout à cent mètres à la ronde. Sa masse percuta le sol, devenue soudainement trop lourde, son souffle se fit court, ses poumons lourds alors que l'adrénaline refluait de son sang. Le griffon qui était resté jusque là en vol au dessus de la zone descendit en piqué et se colla contre elle. Exténuée Armenn se laissa presque choir sur la selle, accrochant son arme aux fontes. Le volatile aussitôt que possible remonta dans les airs et vola en direction de la halte de la Croisade d'Argent. Là-bas sa maîtresse faisait partie des hauts gradés et elle fut dès son atterrissage prise en charge par les infirmiers. Son corps était presque intact, grâce à son armure notamment, mais aussi à ses excellentes aptitudes. Malgré tout l'effort lui avait demandé plus de ressources qu'elle n'aurait pu en fournir et le contrecoup l'assommait.


Rapidement elle perdit conscience, chutant dans un sommeil sans rêves. Non pas noir de vide, mais blanc. Un blanc devenu symbole de souffrance.
Armenn
Armenn
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